Dans la foulée de l’Harmonic Jerkulator - et dans le cadre de ma Fuzzquest, j’ai construit cette fuzz. Et c’est une très bonne surprise !

Quelle est cette chose ?

C’est une fuzz (DUH !) basée sur la “mythique” Vox Tonebender. Enfin … Ce n’est pas très clair, mais globalement c’est une version améliorée de la Fuzz Face Dallas Arbiter à NPN silicium.

[rant]Plus je creuse dans les schémas des fuzz “d’époque”, moins je comprend. C’est le bordel ! Il y a eu tellement de variations, de repompages sauvages, de modifications en loucedé, et de bullshit colporté au fil des décennies par des gourous autoproclamé du “vrai son vintage” qu’au final on ne comprend plus rien à qui a fait quoi, quel pédale faite par qui suit quel schéma … C’est relou. Personnellement, hors de question que je m’emmerde à essayer de démêler ce foutoir. Je prend ce qui sonne bien et c’est tout. [/rant]

Partant de la Fuzz Face, modifiée en NPN silicium, avec un étage de buffer en entrée - comme la Fuzz Factory - et en sortie, plus un réglage de tonalité et un réglage de bias. C’est surtout ce dernier point qui m’a intéressé, car ça permet d’obtenir le genre de son dégueulasse et gated que je cherche dans le cadre de ma Fuzzquest. Cette pédale est à l’origine fabriquée par une marque - qui m’est totalement inconnue - qui s’appelle Foxrox.

http://www.foxroxelectronics.com/HotSiliconFuzz.html

Comment ça sonne à la base ?

C’est quoi le circuit - Analyse

J’ai découvert ce circuit par hasard sur le blog Revolutiondeux. Ils proposent un circuit légèrement modifié par rapport à l’original de Foxrot:

http://revolutiondeux.blogspot.fr/2012/03/mictester-silicon-tonebender.html

Que voit-on ici ? Globalement une Fuzz Face silicium à NPN, donc, avec un buffer en entrée. Le bias est au pied du potar de gain. Normalement, sur une Fuzz Face classique, le potar de gain est tiré à la masse. Ici, en augmentant le bias, on va remonter le potentiel du réglage de gain, à travers R5 et la jonction B-E de Q3. Sur le schéma ils dosent de mettre un trimmer. Amateurs …

On est encore sur un circuit relou avec deux potars ayant une valeur très faible.

Le circuit de tonalité est un tonestack dont je n’arrive pas trop à comprendre l’origine, ça ressemble au tonestack de la Big Muff. Bon.

Simulons donc :

Hot SIlicon Fuzz - Schéma

Ici j’ai déjà effectué mes quelques modifications. Mais ça ne change pas grand chose sur la topologie.

Autour Q1 on a juste un préampli, adaptation d’impédance et gain.

C4 coupe le DC pour arriver vers Q2 / Q3, autour duquel est le circuit de la Fuzz Face / Tonebender à NPN. R5 fait un feedback de la sortie vers l’entée (la base de Q2), R9 et R10 sont le potar de gain, qui gère le “positionnement” de C7 qui permet de gérer la polarisation AC de l’émetteur de Q3, et l’amplitude de signal renvoyée à travers R5 pour le feedback. R11 modifie la polarisation DC de Q3 et du collecteur de Q2 à travers R6 et la jonction B-E de Q3.

Q4, pas découplé, est câblé en collecteur commun, donc gain unitaire, avec 10k en charge sur l’émetteur, le collecteur commun “by the book”.

C5 coupe le DC, et le reste c’est tonestack + volume de sortie.

L’effet des contrôles est assez facilement lisible. Si on les met tous à la moitié, on obtient un truc dans ce genre:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Et en zoomant un peu:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Si on regarde les signaux intermédiaires, on trouve ça:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

En vert le signal d’entrée, en rose la sortie, en bleu le collecteur de Q1, en rouge le collecteur de Q2, en vert foncé le collecteur de Q3.

Le réglage de gain n’est pas très surprenant, ça fait saturer plus, sans agir sur la polarisation ni la réponse en fréquence. Voilà voilà. Ce qui est plus intéressant c’est de constater l’effet des étages de sortie. Si on fait varier le gain et qu’on regarde le signal sur la base du buffer de sortie (Q4):

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Et le signal en sortie de ce buffer:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

On constate que le signal a globalement la même forme, mais le signal est compressé (l’écart d’amplitude est qusi-nul en sortie par rapport à l’entrée). A garder dans un coin de la tête, il y a peut-être moyen d’utiliser ce principe dans d’autres circuits qui auraient des problèmes de dynamique.

Le bias a un effet pas très visible sur les formes d’onde en elle-mêmes, par contre on voit vraiment l’effet sur les signaux intermédiaires et les polarisations. Par exemple à 0.1:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Et à 0.9:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Le signal vert foncé (collecteur de Q3) bouge de 8V DC à quasiment 9V. Et il perd en amplitude aussi, ce qui va se confirmer à l’écoute (voir plus bas).

Si on regarde en particulier le signal sur l’émetteur de Q3, c’est à dire sur le signal de feedback, on constate aussi une modification non-négligeable du point de polarisation:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Et si on regarde la base de Q2, l’autre bout du feedback:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

On voit que ça a tendance à ajouter des “pointes” sur le signal. Par contre, tout ça est fortement lissé en sortie, et on ne voit plus trop l’influence du bias:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

On ne le voit pas … par contre on l’entend ! (on le verra plus bas)

Pour ce qui est du switch “FAT”, il joue sur les basses fréquences, et ajoute une bosse vers 300Hz:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Le switch sur le tonestack de sortie joue plutôt sur les aigus, au-dessus de 1kHz:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Le potar de tonalité lui joue sur le niveau de hautes fréquences. Sur un position du switch le potar atténue les fréquences au-delà de 1kHz, ce qui permet de créer une bosse autour de 1kHz:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Sur l’autre position du switch, le potar accentue les fréquences au-delà de 1kHz au lieu de les atténuer comme sur l’autre position:

Hot SIlicon Fuzz - Simulation

Schéma

J’ai donc repris le schéma trouvé sur Revolutiondeux, ai ajouté un true bypass à relai, et une LED.

Hot SIlicon Fuzz - Schéma final

Hot SIlicon Fuzz - Schéma final

Par rapport au circuit en lui-même, j’ai fait une modification sur le circuit de tonalité (tonestack) que j’ai rendu commutable entre deux circuits différents. Je ne me souviens plus d’où vient l’autre tonestack que j’ai choisi, mais toujours est-il que ces deux circuits sont commutables avec le switch J301, qui est un bête DPDT.

Et j’ai aussi mis le potar de bias accessible en façade, parce que ça me semble bête de ne pas pouvoir régler le bias autrement que par un trimmer. Et puis c’est pour cette fonction que j’ai voulu fabriquer cette pédale, alors mince !

Routage

Ça va rentrer dans un boîtier Hammond 1590A, et j’ai appliqué l’archi des pédales TC mini : deux cartes, les connecteurs, relai et alim en dessous, le circuit et les contrôles dessus. Quatre potars et deux switches sur une boîte aussi petite c’est osé, j’avoue. Étant donné que l’on a un process bien rodé à l’Electrolab, j’ai décidé d’abandonner la classe -3 pour ce routage. Les pistes sont en 0.25mm (hum … j’hésite encore à faire du 0.21mm classe 4) sauf les alims en 0.5mm. Pour les vias je suis resté en 1.5mm sur les pastilles pour pouvoir percer en 0.8mm. En fait maintenant je sais comment percer en 0.4mm sans casser le foret donc j’aurais pu réduire les vias (1mm est suffisant) mais j’ai eu des soucis pour souder les vias sur la Fuzz Factory que j’ai intégré dans ma guitare, donc pour l’instant je reste en 1.5mm.

Pour la connexion entre les deux cartes j’ai mis un HE10 en 2.54mm, 6 voies. Là j’ai la configuration qui requiert le moins de signaux à passer:

  • Masse
  • Alim
  • Commande bypass (pour la LED, qui est sur la carte du dessus)
  • Audio in
  • Audio out

J’ai ajouté un masse supplémentaire pour “séparer” la masse audio et la masse du signal de la LED. Ça ne va pas changer grand chose, mais je préfère. J’ai donc 6 voies.

J’ai essayé sur une version précédente de mettre un connecteur en 1.27mm, mais c’est la merde. Les pastille sont minuscules, et on a pas le bon diamètre de foret au Lab pour percer (il faudrait du 0.5mm ou du 0.6mm, 0.8mm c’est trop gros on nique les pastilles, 0.4mm c’est trop petit les pattes des connecteurs ne passent pas). Donc je suis revenu sur du 2.54mm.

Il faut être très attentif au bord de carte, car ça rentre ric-rac. En fait le problème principal c’est la hauteur du boîtier, qui est très petite, et les jacks, qui sont les plus plats que j’ai trouvé, mais qui font dépasser la carte du dessous de 1.6mm (l’épaisseur du PCB, quoi) une fois tout assemblé. Je pourrais gagner 1.6mm en enfonçant plus les potars, mais ça supposerait soit de changer de modèle, soit poncer les pins pour qu’elles s’enfoncent plus. Relou. Ici la solution est de rentrer le PCB du dessous “à l’intérieur” du capot inférieur. Mais il faut faire gaffe à ne pas faire de faux contacts. Pour ça, pas de composants en dessous, pas de pattes trop longues dessous, pas de vias trop proches des bords. Idéalement il faut un isolant pour protéger la face inférieure, mais on peut se contenter de tirer parti des jacks, qui, s’ils dépassent légèrement, peuvent venir “se poser” sur la rainure du couvercle et garantir qu’il n’y a pas de contact avec le fond.

Parlons vite-fait choix de composants :

  • Jacks : CLIFF FCR50051. Ce sont les moins hauts que j’ai trouvé en 6.35mm. Leur boîtier plastique est légèrement plus haut que les contacts, donc si on plaque la carte du dessus il n’y a pas de faux-contact … S’il n’y a rien qui dépasse en face. Donc ne surtout pas mettre de vias ou de pads traversants en face.
  • Potars : ALPS RK09L 50k. Dispo chez Mouser, pas chez Farnell, qui n’a que les RK09K, en 10k et 100k, qui ont la même empreinte, mais un shaft en plastique, ce qui ne change pas grand-chose. Le 50k va être problématique pour le gain, car il faut du 1k, donc j’ai mis une 1k en parallèle. Ça va faire une courbe pas du tout uniforme, mais bon, tant pis. Les RK09L ne descendent de toutes façons pas en-dessous de 5k (sur Mouser en tous cas), et à 1.6€ HT pièce, je n’ai acheté un stock que d’une seule valeur pour ne pas me ruiner. Pour le bias 5k aurait pu convenir, mais en fait je suis content d’avoir pris 50k, car ça permet d’avoir une plage de réglage de bias encore plus large et extrême :) A noter que si on utilise des potars de 50k, il ne faut pas monter R315. Et si on veut un réglage de bias bien vénèr, il ne faut pas monter R308.
  • Switches : Multicomp 2MD1T2B2M2RE pour le DPDT et Multicomp 2MS1T2B2M2RE pour le SPDT. Ces switches sont légèrement plus bas que les potars, ont un pas légèrement inférieur à 2.54mm (sauf entre les deux rangées du DPDT qui sont espacées de 2.54mm, donc attention au perçage des pastilles) et pas de filetage. Leur levier est vraiment très court, donc ils ne sont pas très ergonomiques. Mais ils prennent vraiment peu de place.

Et il ne faut pas monter R318 qui shunte les potars de filtrage d’entrée.

Mécanique et construction

Comme je lai dit plus haut, il faut faire gaffe à l’encastrement du la carte du dessous dans le couvercle inférieur. Et même comme ça ça ne rentre pas, il y a encore un demi-millimètre d’écart … Damn’ !

Je serais content de pouvoir trouver les même jacks ultra-plats qu’il y a dans les pédales TC …

Quatre potars sur une 1890A ça fait serré. C’est à noter.

Hot SIlicon Fuzz - Boïtier

Comment ça sonne en vrai ?

Avec tout à midi:

Si on joue avec le bias:

Si on joue avec le switch “FAT”:

Si on joue avec le gain:

Si on joue avec la tonalité le switch du tonestack:

Et en jouant un peu avec tout:

Ça défonce ! L’attaque est très présente, bien “sharp” comme il faut, ça me plait vraiment ! Et ça gate à mort !

Concernant le bias, j’ai eu le nez creux en ne montant pas R308 “pour voir”. Je trouve vraiment utile d’avoir une plage de réglage de bias aussi large, on obtient vraiment un gate monstrueux. Il y a quand-même un gros défaut, c’est qu’il y a une grosse différence de volume entre le réglage “sans bias” (bias au minimum) qui est très fort, et les réglages avec du bias, qui ont un volume beaucoup plus faible. Ce qui peut expliquer que le réglage soit proposé “à l’origine” uniquement par un trimmer interne, pour garder de la cohérence au niveau du volume général de la pédale. Bon, la plage du bouton de volume permet de totalement compenser ça.

Concernant le gain, la courbe du potar est effectivement bizarre, avec une brusque augmentation du gain sur la fin de la courbe. Pas des plus pratiques, mais bon … Si je trouve un jour un potar de 1k dans ce format, je remplacerai le 50k.

Concernant le switch “FAT”, je le trouve utile. Dans ce cas, la différence est extrême (un facteur 1000 entre les deux valeurs du condo d’entrée) et c’est bienvenu, ça permet d’avoir une différence audible. Et ça me semble utile pour avoir un son plus nasillard ou un son plus profond - mais plus boueux. A priori j’ai cru que je me servirais uniquement du réglage “FAT”, parce que plus de basse, plus de son, blablabla, mais en fait en coupant les basses on relève les harmoniques et avec le bias on obtient un effet octaver bienvenu. Non, vraiment, ce réglage est utile.

Concernant le réglage de tonalité, je suis aussi content d’avoir mis deux circuits commutables, car ils ont vraiment deux caractères très différents. L’un est très agressif, avec beaucoup d’aiguës, l’autre est beaucoup plus “mellow”. Sur un ampli ça aurait donné un switch “character” ou “voicing”, avec une position “modern” et une position “vintage” :) Très utile en complément du switch FAT.

Par contre, ce circuit est très sensible au bruit d’alim. Il faut vraiment faire très attention et filtrer à mort. En la branchant directement sur un petit transfo à découpage genre Line 6, j’ai le découpage qui se retrouve direct dans le son à fort gain. Genre ça : boom ! Direct 5kHz dans le HP. C’est éminemment désagréable. J’ai testé avec une alim à découpage 12V et un 7809 derrière, on entend quasiment pas le découpage. Donc il va me falloir une alim régulée en plus de mon alim normale, spécifiquement pour les pédales un peu sensibles (distortions et fuzz, j’ai le même souci avec l’OCD).

Petit détail discutable : quand on alimente la pédale, par défaut elle est activée. Est-ce acceptable ? Je ne sais pas. En tous cas, pour qu’elle soit OFF par défaut il faut juste échanger la commande du relai et de la LED avec l’autre sortie du 4013. Ou alors s’emmerder à comprendre comment gérer le SET et le RESET à la montée d’alim … Grmpf … Pas envie.

Conclusion

Je suis très content. L’intégration mécanique a été un enfer, j’ai galéré pour percer les trous - comme d’hab’ - et le fait que ça ne rentre pas m’oblige à mettre un sorte de cale pour fermer la boîte correctement. Par contre, le son est terrible. Je ne regrette pas le temps passé sur cette pédale (à la louche : 12h sur la conception, 12h sur la fabrication).

- Flax